Drapeaux One Piece au vent, des manifestant·es de la « Gen Z » prennent les rues de Madagascar le 25 septembre dernier pour lutter contre les coupures d’eau et d’électricité, contre la pauvreté et plus largement contre la corruption et le gouvernement. Une forte répression se met en place mais ça ne suffit pas à écraser la mobilisation. Les malagasy (nom non-colonial des « malgaches ») s’organisent sur Discord, une plateforme de discussion populaire des amateurices de jeux-vidéo, et alimentent les protestations de plus belle. Le 11 octobre, une partie de l’armée appelle à la désobéissance et à soutenir les manifestant·es. Le lendemain, le président Andry Rajoelinafuit le pays et – cocorico – se fait exfiltrer par la fRance jusqu’à Dubaï. À l’heure où on écrit ces lignes, les militaires, auxquels on ne peut décidément pas faire confiance (on n’en doutait pas), ont annoncé prendre le pouvoir, en mode coup d’État… rappelant l’arrivée de Rajoelina 16 ans plus tôt !
Force et clairvoyance aux militant·es de la Gen Z ! Tout pouvoir à la base !
Dimanche 12 octobre, une journée de rencontre autour de la situation politique au Soudan avait lieu au CCL. Ça a été à la fois un moment pour faire la fête en compagnie du collectif Sound Of Sudan Lille mais surtout de s’informer sur ce qui se passe là-bas par une intervention de membres du collectif mais aussi d’un anarchiste soudanais en lien avec la CNT-AIT, en « visio ».
La situation est complexe donc on va tenter de faire bref : en décembre 2018, une révolution éclate et les manifestant·es réussissent à faire tomber le dictateur en place depuis plus de 30 ans. L’armée prend alors le pouvoir en avril 2019 et les manifestations continuent pour obtenir un gouvernement civil, débouchant sur un accord de transition le 17 août 2019. Mais, en octobre 2021, les militaires lancent une contre-révolution et prennent le pouvoir. En avril 2023, le groupe paramilitaire FSR (Forces de soutien rapide) financé par les Émirats Arabes Unis décide de faire un nouveau coup d’État contre les forces armées soudanaises. Les FSR s’étaient illustrées au Darfour pour leurs crimes de guerre, et c’est la même logique qu’ils vont appliquer au Soudan puisque cette tentative de coup d’état déclenche une guerre de territoire pour obtenir des lieux de richesse et de pouvoir, provoquant un massacre des populations et utilisant les viols et la famine comme arme. Plus qu’un massacre, c’est un génocide que commet le FSR en tuant directement plus de 150.000 personnes et indirectement plus de 500.000 enfants en provoquant la famine de plusieurs millions de gens, et 12 millions de déplacements forcés.
Solidarité avec les anarchistes soudanais·es en lutte ! Pour suivre ce qui se passe, vous pouvez lire et Al Amal (écrit par Rassemblement Anarchiste Soudanais et la CNT-AIT France) et Sudfa Media.
Vous êtes peut-être tombé·es sur quelques dizaines de bourgeois·es à Répu’ le samedi 5 octobre 2025, où ces déchets s’étaient réunis pour « marcher pour la vie » à l’initiative de la fondation Jérôme Lejeune.
C’est quoi cette fondation ? Il s’agit d’une organisation d’extrême droite catholique qui utilise la recherche sur la trisomie 21 pour répandre des idées ultra-conservatrices. Dès qu’on regarde 30 secondes leurs communications sur les réseaux sociaux, le sujet de l’avortement apparaît clairement ! Pour eux, il faut l’interdire, ainsi que l’euthanasie, et d’ailleurs tout ce qui toucherait à la vie – sacrée. Pas étonnant qu’ils soient organisateurs d’une manif anti-avortement (« pro-vie »)… Face à ça, une contre-manif’ s’est organisée spontanément et la police a évidemment protégé le maigre cortège des vieux réac’.
En faisant semblant de vouloir protéger les « plus faibles » (les femmes, les enfants, les vieux, les handis…), ils militent activement pour un contrôle de notre autonomie. Tout comme ils n’ont pas réussi à prendre la rue, ils n’auront pas nos corps.
Vous vous rappelez de Caroline Eliacheff ? C’est une psychanalyste et pédo-psychiatre qui n’aime pas les enfants trans. Elle écrit des bouquins qui « alertent » sur la médicalisation des jeunes trans… Elle fait aussi parti de l’observatoire de la petite-sirène, un groupe qui milite pour interdire la transition médicale. L’extrême droite l’adore autant que l’extrême centre ! En 2022, sa venue à Lille était perturbée par l’action collective alors qu’elle devait présenter son bouquin La Fabrique de l’enfant transgenre à Citéphilo (programme intellectuel bourgeois local). Pas rancunière, elle est revenue cette année, mais cette fois à la Catho pendant le festival (aussi bourgeois) ECOPOSS. En terrain conquis, pensait-elle ?
Malgré une propagande certaine pour le festival (affiches dans tout Lille et mail d’invitation aux 40.000 étudiant·es de la Catho), il n’y a eu qu’une petite dizaine de participant·es à la causerie d’Eliacheff et sa pote Céline Masson. Sans compter la trentaine de camarades trans, queer, antifascistes qui s’est invitée au rendez-vous. Applaudissements, sifflets, slogans : Caro n’a pas pu causer. Un vigile sort une personne violemment, puis la frappe dehors ainsi que des nouvelle·aux participant·es qui souhaitent entrer. Dedans, l’organisation se déplace dans une autre salle, pendant que des flics pressent vers la sortie (de secours) les fauteur·ses de troubles. Trop tard, y’a plus personne pour écouter les transphobes ! On espère que Caro n’essayera plus jamais de venir à Lille répandre sa propagande de merde.
À l’heure où les discours discriminants se multiplient à coups de lobbys réacs, leur apporter une réponse ferme et efficace est indispensable !
Dans le numéro 17 (septembre 2025), nous avons publié un texte évoquant l’affaire de Nour, une étudiante expulsée suite à ses propos antisémites, et que l’État a utilisé pour infliger une punition collective à tou·tes les palestinien·nes. Dans sa version initiale, ce texte niait un cas évident d’antisémitisme, et sous-entendait que les tweets qu’elle a publié n’existaient pas ou qu’ils n’étaient pas antisémites. Alors que Nour a littéralement repartagé des discours d’Hitler. Il a été édité et réimprimé après que des lecteurices nous aient remis les pendules à l’heure, merci à vous.
Ce manque de vigilance a plusieurs raisons. Premièrement, notre enthousiasme d’avoir reçu ce texte rédigé par des copaines. Nous avons eu envie de le publier car il mettait en évidence l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme par l’extrême droite, l’utilisation dégueulasse de l’affaire par l’État, et qu’il parlait du sentiment d’impuissance ressentie par les camarades vis-à-vis des groupes militants qui dominent l’espace politique et médiatique concernant Gaza.
Deuxièmement, on ne s’est pas correctement renseigné·es sur l’affaire, et comme l’extrême droite adore fabriquer des paniques morales, on est parti·es du principe que c’était à nouveau le cas sans chercher à vérifier plus que ça.
Enfin, notre biais lié au fait que Nour soit palestinienne. Avec le génocide en cours, on (nous et les auteurices du texte) a eu automatiquement de la sympathie pour elle et on avait pas envie qu’elle soit effectivement antisémite, donc les raisons évoquées précédement étaient une bonne excuse pour balayer cette hypothèse. Seulement voilà, la conséquence, c’est qu’on a publié avec précipitation un texte problématique, laissant penser que dans certaines situations l’antisémitisme n’est pas si grave. On a merdé. Ce texte est une invitation à continuer à parler de ces oppressions.
Depuis début juillet 2025, de nombreuses manifs et actions racistes ont eu lieu en Angleterre. Suite à une agression sexuelle commise par un demandeur d’asile, les racistes de tout poil se sont saisis de cette histoire non pas pour dénoncer le patriarcat (surprise…) mais pour dénoncer l’immigration en Angleterre. Ce n’est pas sans nous rappeler l’été 2024 où des émeutes racistes avaient déjà eu lieu suite à l’instrumentalisation d’un fait divers. Et comme d’habitude, les réseaux sociaux s’enflamment et les politiciens soutiennent les discours racistes. Résultat cette fois : deux mois d’attaques violentes, d’intimidations et de rassemblements publics puants. Dernier évènement au moment où nous écrivons : entre 110 000 et 150 000 manifestant·es « pour la liberté d’expression » le 13 septembre, à l’appel de Tommy Robinson, raciste notoire. Ce qui se passe chez nos voisins s’est déjà passé en fRance à des échelles locales, et repose sur les mêmes discours que ceux de Némésis ou encore Retailleau. Soyons sur nos gardes pour lutter contre ses discours nauséabonds partout où ils s’expriment ! Force à celles et ceux qui subissent et qui luttent de l’autre côté de la Manche, et ailleurs !
Depuis la rentrée, on avait pas mal la tête dans le guidon avec le 10 septembre, mais il n’y a pas qu’en fRance qu’il y a eu des mouvements sociaux ces dernières semaines.
En Indonésie, des manifestations ont débuté le 25 août quand les députés, qui gagnent 30 fois le salaire minimum, votent une loi leur accordant une prime logement d’environ 50% de leur salaire. Le 28 août, un meurtre commis par la police à renforcé la mobilisation et la déter des manifestant·es qui détruisent quelques comicos et bâtiments gouvernementaux. La répression a malheureusement été énorme, faisant 10 morts, 20 « disparus » et des centaines de blessé·es. 600 personnes seraient toujours détenues, dont un·e anar accusé·e d’administrer BlackBlockZone (site de propagande anarchiste).
Au Népal, un mouvement anti-corruption commence à se former sur les réseaux sociaux début septembre. En réponse, le gouvernement coupe tous les réseaux sociaux le 4. Cette décision déclenche, dans ce régime autoritaire, d’énormes manifestations qui durent depuis le 8 septembre. Cette mobilisation a eu son lot de bonne nouvelles : parlement en feu ; domiciles ravagés (ceux du président, du 1er ministre et de plusieurs membres du parlement) ; dirigeants « remis à leur place » ; prisons détruites permettant à 13.500 personnes de retrouver leur liberté… La réponse de l’État a fait pour le moment au moins 72 morts et plus de 2100 blessé·es.
Ce 10 septembre, on était content·es. De sentir les bourgeois trembler (et pas que ceux qui roulent en Tesla). Des semaines qui précédaient, où tout le monde était à fond (AG pleines, affiches collées partout par différents groupes…). D’avoir vu les gens en lutte utiliser des modes d’organisation qui nous sont chers, et prendre de plus en plus en compte la lutte contre les dominations. Des blocages et surtout du soutien de toutes les personnes qu’on croisait, qui étaient ravies de voir des gens essayer de tout bloquer (vos klaxons nous font du bien !). Des motiv’ de permanence soin, garderie et repas, parce que nos luttes ne passent pas uniquement par les pavés (de pierre ou de papier) ! D’avoir réussi à créer ces moments entre groupes qui n’arrivent pas à s’organiser ensemble habituellement. Du nombre de personnes présentes à la manif. De l’attention collective aux autres et de chouettes réflexes quand les flics chargeaient. Et de l’apparition de caisses de grève jusque tard dans la nuit à des endroits inattendus. Alors on continue !
« Ils peuvent essayer de couper les fleurs, mais ils ne peuvent pas empêcher le printemps ! » « De vos cendres nous nous soulèverons »
La journée du 10 septembre était chargée et joyeuse. On a fait une petite sélection des trucs qui nous ont marqué.
5h : 350 personnes à la Bourse du Travail. Certain·es hésitaient à rendre cet appel public, mais la veille, une banderole sur le périph’ annonçait clairement le rendez-vous. Au final, la présence massive avant le lever du soleil nous a tou·tes donné la patate ! Direction B’twin village et périph’, bloqués 1h à base de barricade enflammée. Dispersés par les flics, les gens se retrouvent en se passant le mot par bouche-à-oreille, comme un « 8h45 Porte d’Arras » qui a mené à un beau blocage.
8h : Lycées lillois bien déter’ ! Les cours n’ont pas repris depuis plus de deux semaines, mais Pasteur (Vieux-Lille) et Montebello (Porte des Postes) et l’EPIL (Wazemmes) mettent la barre haut pour cette première journée de mobilisation. Petits blocages, barrages filtrants… selon l’endroit, la police a réagi différemment, mais encore une fois elle n’hésite pas à gazer et violenter la jeunesse ! ACAB !
13h : 500 personnes en AG !? 1h30 avant le départ de la manif du jour, une assemblée est posée. 500 personnes y participent, en mangeant des centaines de sandwiches faits par des camarades le matin-même. Le micro tourne bien, ça rappelle la fougue des Assemblée populaires des GJ. Propositions stratégiques, revendications, témoignages individuels, petites musiques composées la veille… les prises de parole s’enchaînent avec fluidité et galvanisent pour la manif qui suit !
14h30 : 15 à 20.000 personnes en manif ! Rue Faidherbe : des tags sur ces containers dorés moches de Lille3000 : « Macron explosion ! ». Rue Nationale, le Printemps a perdu quelques vitrines et le Carrefour plu loin n’en a plus une seule intacte… Plusieurs gros gazages place de Strasbourg. Devant les halles du Match Solférino, une Tesla garée n’a pas résisté à la foule en liesse : ses vitres sont éclatées et un tag « Nazi » sur le capot. Au théâtre Sébastopol, alors qu’un canon a eau arrose la foule, une 2e Tesla se prend 2-3 pavés. Après plusieurs dizaines de minutes, l’intervention du canon à eau et un petit feu de poubelle à Sébastopol, la manif arrive enfin à Répu. Les flics finissent par tenter de vider la place, ils gazent massivement pendant de longues minutes, forçant les gens à refluer vers… la rue de Béthune et Molinel. Des groupes s’y reforment et continuent la fête.
18h30 : AG-Soupe place Casquette. Alors que toutes les terrasses de la ville sont dans une euphorie collective, une AG réunit 200 personnes place Casquette, et fomente déjà la suite de la lutte !
Le 10, c’était aussi de très nombreuses actions réussies dans toute la région. On en a relevé quelques-unes comme le blocage d’Amazon ou le piquet de grève à Nestlé, dans le Douaisis. Ça a bloqué aussi à ArcelorMittal à Dunkerque, aux rond-points d’Auchan Petite-Foret (Valenciennes) et celui du péage de Nœux-les-Mines près de Lens. D’autres ont été occupés avec barrages filtrants, comme au MIN de Lomme, à Saint-Pry près de Béthune, à Calais-Outreau, ou encore à Bailleul.
Il y a aussi eu plein de manifs, de Valenciennes à Dunkerque, en passant par Arras, Béthune, Maubeuge et Boulogne. La manif de Douai a fini en sauvage et celle de Calais s’est même prolongée par une action d’occupation du Carrefour, contraint à fermer ! On imagine de nombreuses autres actions dont nous n’avons pas connaissance, n’hésitez pas à envoyer vos infos à anarchielocale59[arobase]subvertising.org !